En 2004, Manuel Cerceau nous a parlé d'une moissonneuse batteuse automotrice Merlin qui finissait ses jours dans le pré de son voisin. Nous nous rendons sur place quelques temps plus tard pour découvrir un machine en bien mauvais état et incomplète. Jean Chérouvrier, en passionné qu'il était, nous renseigne sur cette moissonneuse et insiste pour qu'elle soit préservée; la "531" est la première automotrice construite en série par les établissements Merlin et c'est à sa connaissance le seul exemplaire subsistant.
En 2005, la Merlin rejoint nos réserves. Nous plaçons des annonces sur divers revues pour trouver les pièces qu'il nous manque mais nos recherches restent infructueuses. C'est en 2008 que la situation se débloque avec la récupération d'une F8-83; cette moissonneuse construite par Merlin pour Mac Cormick a des éléments communs avec la "531" notamment le renvoi d'angle qui nous est indispensable pour le montage d'un moteur et l'entraînement de tous les organes.
Plus qu'une restauration, c'est en partie une reconstruction qu'il nous faudra réaliser pour vous permettre de voir évoluer cette moissonneuse lors de la Rétromoisson.
La Merlin 531 telle que nous l'avons découvert lors de notre visite dans Le Perche en 2004.
La IH F8-83 qui va nous servir de banque de pièces. La tôlerie est en aussi mauvais état que sur la Merlin 531.
Les deux moissonneuses sont dans l'atelier, le travail peut commencer.
Le moteur Perkins et le renvoi d'angle de la F8-83 sont déposés.
Un moteur diesel Agrom avait été monté sur la Merlin à la place du Renault à essence d'origine. Pour cela, le châssis a été modifié et renforcé.
Nous avons donc ôté tout ce qui n'était pas d'origine et ressoudé à la place le morceau de châssis de la F8-83.
Nous avions dans nos réserves un groupe électrogène entraîné par un moteur Renault "85", c'est ce dernier qui va prendre place sur la Merlin.
Le renvoi d'angle de la F8-83 est désaccouplé du moteur Perkins et le flasque d'adaptation est démonté.
Le renvoi d'angle monte directement sur le moteur Renault, sans pièce d'adaptation. Seul petit problème, le volant moteur du groupe électrogène est différent et ne permet pas de monter le plateau pour l'entraînement du renvoi. Il nous faudra trouver un volant moteur de tracteur Renault 3041 ou 3042.
Notre moteur est dépourvu de démarreur électrique mais ce n'est pas un souci car cet équipement faisait partie des options sur la "531". C'est donc à la manivelle que se fera la mise en route de notre moissonneuse.
Le moteur et le renvoi d'angle sont placés sur la moissonneuse, les barres de direction sont redressées et ressoudées. Un support de pivot de direction est réalisé et fixé sur la cloche.
Petit à petit, la Merlin est mise à nu. Les éléments de carrosserie que la rouille a réduit en morceaux sont repérés. Contrairement à ce qu'on aurait pu s'attendre, le démontage des pignons, poulies, arbres et paliers se fait assez facilement.
La coupe est "déshabillée" à son tour. Seul le châssis en forme de X est récupérable.
Philippe dessoude les éléments à remplacer. C'est le côté gauche qui a le plus souffert des intempéries, des cornières du bâti ont dû être remplacées.
Les tôles latérales du convoyeur et de la caisse arrière sont refaites à l'identique et présentées sur la machine pour faire les derniers ajustements.
Notre Merlin était jadis équipée d'une botteleuse. Celle-ci ayant disparu depuis et les chances d'en retrouver une étant bien minces, c'est une hotte qui prendra place à l'arrière pour canaliser la paille.
Pour réaliser cette hotte, nous prenons modèle sur celle de la F8.83. Les dimensions sont toutefois revues à la baisse car la hotte de la 531 était moins haute et moins longue comme nous le montre des documents d'époque en notre possession.
Notre recherche d'un volant moteur ayant porté ses fruits, nous avons pu monter le disque et le manchon d'accouplement sur le moteur.
Parallèlement à cela, le renvoi d'angle est démonté en pièces pour remplacer les roulements et les joints usés et écarter ainsi tout risque de casse.
La reconstruction de la carrosserie continue. Les nouvelles tôles avec leur trappe de visite à la table de secouage sont mises en place à l'arrière de la machine. Puis le tire-paille et le batteur sont recouverts de tôles plus épaisses sur lesquelles sera fixé un plancher.
Nous continuons vers l'avant pour remplacer le carter inférieur du convoyeur. Les tôles des côtés sont soudées sur leurs cadres puis placées de part et d'autre du carter, elles recevront plus tard les paliers de la vis d'alimentation, des rouleaux d'entraînement des toiles et de l'articulation de la coupe.
C'est maintenant au tour des tôles qui se trouvent au dessus du convoyeur d'être refaites avec entres autres la trappe d'accès à la vis d'alimentation placée devant le batteur puis, tout à l'avant, le volet rabattable permettant le montage de la petite toile.
Au cours de sa carrière, notre moissonneuse a subi une autre modification de taille. Une partie de la plate-forme d'ensachage a été démontée pour permettre l'adaptation d'une trémie.
Seule la partie avant avait été conservée pour le maintien des ressorts d'assistance du relevage des rabatteurs, nous avons donc reconstitué le reste du garde-corps avec des cornières neuves.
Après avoir remonté le renvoi d'angle en bout du moteur, l'ensemble est placé sur la Merlin. Nous construisons un support pour l'arrière du moteur et le radiateur en prenant soin de bien aligner les poulies du variateur d'avancement. C'est ensuite un carter de ventilateur et une queue de démarrage qui seront réalisés.
L'adaptation de la trémie a également entraîné la suppression de la glissière à sac de notre moissonneuse. Pour refaire cet élément nous avons pris modèle sur une illustration tirée du livre de pièce de rechange de la IH F8.83, c'est surtout sur la conception de la trappe et de son mécanisme d'ouverture que ce dessin va nous renseigner.
Nous poursuivons nos travaux avec le montage d'un filtre à air et la construction d'une colonne de refroidissement. Pour faire cette dernière, nous nous copions de celle de la F8.83 avec toutefois une hauteur moins importante. La hotte grillagée est réalisée à partir de la photo ci-dessous.
Cette photo qui illustre un prospectus de la Merlin 531 est une mine de renseignements pour nous, notamment au niveau de la forme et des proportions des pièces qu'il nous manquaient.
Il s'agit probablement d'un modèle de pré-série dépourvu d'équipement électrique. Quelques éléments comme l'échelle à quatre barreaux et la hotte de refroidissement seront modifiés par la suite.
Cette photographie tirée du livre "Moissonneuses batteuses françaises" de Jean Noulin nous montre une 531 en pleine action.
Elle est équipée d'une batterie (sous le radiateur) et de phares de travail mais la présence d'une queue de démarrage et d'une tirette de starter sur le côté du radiateur laisse à penser que la mise en route du moteur pouvait toujours se faire manuellement.
Tout porte à croire qu'il s'agit là d'une machine de série: l'échelle du poste de conduite n'a plus que trois barreaux comme sur la notre, la colonne de refroidissement est plus haute et ornée d'une hotte grillagée à la forme arrondie.
Un petit retour sur la coupe sur laquelle nous avons remplacé la tôle de fond, les cornières de chaque côté et toute la partie avant.
Le tire-paille constitué de plusieurs tôles pliées et soudées entre elles a été refait. Les roulements des paliers ont été remplacée.
Au départ, nous pensions pouvoir conserver une partie du caisson des vents et ne réparer que le dessous très endommagé. Après un examen plus approfondit, de nombreux points de corrosion ont été relevés et il a fallu refaire le caisson en totalité. Pas d'hésitation en ce qui concerne les élévateur, ceux-ci sont irrécupérables et sont donc reconstruits.
La goulotte d'ensachage qui était manquante, a été réalisée à partir de photos d'époque comme celles qui illustrent cette page.
Le caisson de nettoyage a été coupé en deux, nous avons conservé la partie avant tandis que l'arrière a été refait.
Nous avons fait plusieurs essais de pliage avant de parvenir à refaire la forme des glissières de montage des grilles.
La coupe reprend forme, les doigts et la scie ont été remontés.
Les nouveaux côtés sont présentés, ajustés et fixés sur le cadre puis c'est au tour des diviseurs d'être mis en place.
Le printemps venu, nous profitons des journées ensoleillées pour sabler le châssis et les pièces mécaniques de la Merlin. Une couche d'apprêt antirouille vient ensuite recouvrir tous les éléments de la machine.
Le châssis ainsi que les premiers éléments de la Merlin reçoivent leur couleur orange définitive, le remontage peut alors commencer.
Le caisson des vents, le convoyeur, le tire-paille, la plate forme d'ensachage et le poste de conduite prennent place sur le châssis.
La table de secouage qui est constituée en majeure partie de bois a été refait par nos menuisiers du moment: Jacky et Jean-Michel. Le caillebotis qui recouvre cette table (photo) a demandé beaucoup de réflexion et pas mal d'heures de travail pour sa réfection.
Une fois peints, les organes de nettoyage et de secouage sont placés à l'intérieur de la machine.
Les tôles du dessus sont peintes à leur tour et prendrons bientôt place sur la caisse de la moissonneuse.
Le boiter de direction est remonté, ce qui nous permet de faire les découpes et d'ajuster le plancher du poste de conduite. Ce dernier sera déposé et peint en même temps que celui de la plate forme d'ensachage.
Le moteur Renault reçoit une pellicule d'orange; cette couleur a également longtemps recouvert les tracteurs de la marque au losange. La teinte de la Merlin étant toutefois différente.
Les jantes reçoivent une peinture rouge qui tranchera avec le reste de la machine.
Du côté droit, les poulies et les courroies sont remontées. Le variateur de vitesse du batteur est préréglé.
Côté gauche, le moteur est placé sur son support, l'opération est assez délicate car il faut monter la courroie d'entraînement du batteur et celle du variateur d'avancement en même temps.
Mise à part la coupe, toutes les pièces sont maintenant prêtes à être remontées sur la Merlin.
La caisse étant complètement remontés, nous passons aux premiers essais. Les niveaux étant faits, nous donnons quelques tours de manivelle, le moteur part alors d'un seul coup nous laissant presque surpris.
Nous le laissons tourner un peu en surveillant qu'aucune fuite n'apparaisse puis nous embrayons doucement le battage. La courroie plate se déporte rapidement sur le bord des poulies mettant en évidence un défaut d'alignement.
Second problème avec l'avancement. Poussée à fond, la pédale d'embrayage commande l'ouverture complète de la poulie meneuse du variateur, la courroie doit alors se poser sur un galet libre au fond de la poulie. Ainsi, la boite n'est plus entraînée et le passage des vitesse est possible. Dans notre cas, le côté gauche de la courroie trapézoïdale reste en contact avec la poulie meneuse rendant le débrayage impossible.
Ces deux problèmes ont en fait la même cause et seront corrigés en plaçant des cales en tôle sous les silentblocs du côté droit du moteur.
La coupe est terminée et peut être montée sur la Merlin.
Pour cette opération nous avons placé l'avant de la coupe sur un transpalette et soulevé l'arrière à la force des bras. La première tentative est un échec car une tôle gêne à l'entrée du convoyeur. Nous démontons cette dernière pour la plier un peu plus avant de la remonter. La seconde tentative est la bonne, le rouleau d'entraînement de la toile peut être engagé et les paliers ou s'articule la coupe serrés.
Le support des rabatteurs est le dernier élément à être refait. Les bras de chaque côté sont en tôle pliée, sans doute pour gagner du poids.
Avant de souder l'ensemble, nous devons assembler, ajuster et équerrer tous les éléments qui le compose pour que le support soit "d'aplomb".
Les rabatteurs sont redressés et les griffes cassées sont remplacées. Les planches et les montants en bois sont refaits.
Une fois peints, le support et les rabatteurs seront remontés sur notre 531.
Première sortie pour les essais. Les toiles refaites par Daniel sont tendues, Bernard monte aux sacs sur la plate forme, la moisson peut commencer !
Le premier essai est concluant car tout fonctionne et aucun bruit anormal n'est apparut. Un petit tour à l'atelier est toutefois nécessaire pour augmenter la vitesse de rotation du moteur ainsi que celle du batteur. Au retour du second essai, nous jetons un coup d’œil dans les sacs pour y voir un grain d'une grande propreté. Plus que quelques retouches de peinture et les décalques à poser et notre Merlin sera prête pour la Rétromoisson.
Le 15 août 2009 le beau temps est au rendez-vous et la fête bat son plein. La Merlin 531 s'élance avec son ancien propriétaire au volant, celui-ci ne tarde pas à retrouver les gestes qu'il a fait tant de fois lorsqu'il moissonnait sur son exploitation et fait une démonstration parfaite.
Après un aller-retour, les deux sacs bien remplis sont déposés sur la glissière. Mission accomplie pour la Merlin et pour son chauffeur qui est très ému d'avoir à nouveau mené cette machine.
C'est pour lui l'occasion de se remémorer quelques souvenirs et c'est pour nous la satisfaction d'avoir préservé un morceau du patrimoine agricole français et pour
en faire profiter le plus grand nombre de personnes.